Rafle du Vél' d'Hiv : une Audonienne se souvient

Le 8 mai 1945, il y a tout juste 75 ans, les forces alliées l'emportaient sur l'Allemagne nazie mettant fin à la seconde guerre mondiale en Europe, l'une des périodes les plus sombres qu'ait connue l'humanité. La France avait été occupée depuis 1940. Des années durant lesquelles des milliers de personnes furent déportées. Habitante de Saint-Ouen depuis plus de 30 ans, Annette Landauer a accepté de raconter une période difficile de son existence : la rafle du Vél' d'Hiv pour témoigner de cette époque que nous nous devons de ne pas oublier.

En juillet 1942, Annette allait avoir 11 ans. Elle vivait à Paris 18e, avec ses parents originaires de Roumanie et son frère, de deux ans son aîné. À ce moment-là, comme beaucoup d'autres enfants et adultes, la petite fille était bien loin d'imaginer le sort qui était réservé aux Juifs.

Dans cette période de guerre, les Juifs devaient se faire enregistrer au commissariat mais on ne savait pas trop pourquoi, raconte-t-elle 78 ans plus tard, assise dans la salle à manger de sa maisonnette audonienne. Seule ma mère n'avait pas voulu s'y rendre et finalement, elle avait bien fait. Un jour, deux hommes sont venus frapper à notre porte. Ils nous ont emmenés, mon père, mon frère et moi, dans une sorte de garage désaffecté. De là, nous avons pris un autobus jusqu'au Vélodrome d'Hiver où d'autres personnes étaient rassemblées.

Après cinq jours d'attente, dans des conditions d'hygiène déplorables, sans nourriture, le groupe est transporté à Pithiviers où mères et enfants sont séparés et surveillés par la police française.

C'était affreux, il y avait beaucoup de cris, de pleurs, se souvient-elle avec émotion. Mon père et mon frère sont restés à Pithiviers et moi, je suis partie au camp de Drancy… » Là, de nouveau, l'attente interminable, sans aucune information sur la suite des événements. Jusqu'au jour où « miracle, nous avons reçu un papier disant que nous étions libérés.

Fuir pour (sur)vivre

De retour chez elle, la famille Landauer connaîtra un répit d'une quinzaine de jours avant d'apprendre qu'elle allait de nouveau être arrêtée.

On s'est sauvés par la rue Lamarck (Paris 18e) et on s'est séparés, raconte Annette. Un peu plus tard, j'ai été placée chez une dame. Elle me donnait à peine à manger. J'avais très faim. Après une visite de ma mère, quelqu'un est venu me chercher et je me suis retrouvée avec mon frère chez une autre dame, une cartomancienne qui vivait dans l'Oise.

S'ensuivent plusieurs placements plus ou moins similaires jusqu'à ce que la mère d'Annette vienne finalement la récupérer. Malheureusement, les retrouvailles seront de courte durée.

Suite à une descente de police, ma mère a été déportée en juin 1944. Je ne l'ai jamais revue. Elle a été gazée à Auschwitz.

Se reconstruire sans pour autant oublier

Quelques années plus tard, après ces épreuves douloureuses, Annette rencontrera un manouche de Saint-Ouen avec lequel elle fondera une famille. « J'ai une fille, un fils, 6 petits-enfants et 8 arrière petits-enfants », précise-t-elle fièrement en montrant des photos. Avant de prendre sa retraite, Annette aura travaillé dans une biscuiterie, sur les marchés où elle vendait des épices et condiments, dans une mercerie… Aujourd'hui, à presque 89 ans, cette dame pimpante et sympathique fréquente beaucoup la paroisse audonienne et participe autant que faire se peut aux activités proposées par la Ville. Une commune qu'elle connaît bien puisqu'elle ne l'aura pas quittée ces 32 dernières années.

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